« Tes dix-huit ans réfractaires à l'amitié, à la malveillance, à la sottise… »
J’aime la droiture de ta conduite. Tu t’es donnée tout entière et tu as voulu, sans concession ni compromis, que ton amant soit à la hauteur de tes exigences. Ta trahison à la Sauze d’Oulx a la rigueur d’un comportement d’ascète. Jean Genet pourrait l’expliquer.
Je ne doute pas que par une manifestation d’un hasard objectif, jailli à ton insu de la force même de tes sentiments, ce soit le poème Royauté des Illuminations de Rimbaud qui t’ait servi de guide. Ce texte, je voudrais le citer dans sa complétude en hommage à ton extraordinaire intelligence.
« Un beau matin, chez un peuple fort doux, un homme et une femme superbes criaient sur la place publique. « Mes amis, je veux qu’elle soit reine ! » « Je veux être reine ! » Elle riait et tremblait. Il parlait aux amis de révélation, d’épreuve terminée. Ils se pâmaient l’un contre l’autre.
En effet ils furent rois toute une matinée où les tentures carminées se relevèrent sur les maisons, et toute l’après-midi, où ils s’avancèrent du côté des jardins et des palmes. »
Francesca, tu as voulu que ton amant te fasse reine. Et tu l’as été, mais tu savais que cette royauté-là ne dure qu’une saison. Toi, tu as réussi à maintenir ce prodige trois ans !
Tu as préféré trancher dans le vif du « dur désir de durer » de l’amour fou. Et tu as bien fait. Il faut savoir partir sans se retourner. Sur les murs des villes, pendant les insurrections, fleurissent parfois des injonctions fulgurantes. J’en ai retenu une qui m’a longtemps paru énigmatique « Soyez cruels ! ». Ta cruauté, je l’appelle, moi, pitié. Tu as voulu préserver la poésie et tu as sculpté le temps. Tu savais que ton attitude n’entraînerait que haine, incompréhension et insultes.
Maintenant, oui, tu es morte à toi-même. Ce nom, Francesca, est resté le tien mais tu es une autre, qui au plus intime de ton être comprend celle que tu as été et la contemple. Je t’imagine, allongée, le regard perdu dans la volute d’une fumée de cigarette… te souvenant… une larme perle peut-être au coin d’un œil ou tes yeux restent secs mais tu sais que tu as bien fait. Quelqu’un entre, le téléphone sonne : « Où va-t-on ce soir ?… » dis-tu.
Message poétique, mais si à l'époque de "Douze poèmes pour Francesca" celle-ci avait l'âge d'être tutoyée, même par un inconnu, elle ne l'a plus aujourd'hui! A moins que Foulweather n'ait voulu dire que la seule Francesca qui ait une réalité, c'est le personnage littéraire créé par GM, qui ne vieillit pas et que la Francesca qui en fut le modèle nous importe peu...
Lorsqu'il faut rompre, on est en quête de prétextes, et cette petite sauze en était un excellent pour GM ainsi que pour sa "traîtresse" ; mais pourquoi faut-il rompre ? Peut-être afin de redevenir libre de choisir ses liens. J'aime aussi le couple de "Royauté", qui ne peut régner qu'une matinée, et encore, sur un peuple "fort doux", mais Rimbaud ne nous dit pas ce que cette reine et son roi devinrent dans l'après-midi.